Médecin, biologiste, chimiste, François Dagognet (1924-2015) s’est forgé des armes pour délivrer la philosophie de son enfermement universitaire et de ses dérives idéalistes. Ce combat qui traverse toute son œuvre ne pouvait qu’intéresser les médiologues : les mêmes adversaires, ça rapproche. Du reste, Dagognet ne fut pas pour nous qu’un éclaireur mais aussi un compagnon de route. Penseur sans préjugés, il s’est préoccupé de réalités sans prestige : les cailloux, les poussières, les magmas, les boues… Pour Platon, il n’y avait pas d’Idée du poil, Dagognet, lui, eut l’audace de rendre les déchets dignes d’une abjectologie.
À l’étroit dans son amphithéâtre, il a préféré les ateliers des canuts pour connaître les secrets des teintures et les procédés d’impression. Parce qu’un philosophe n’est pas un rat de bibliothèque, il a enquêté dans les verreries et les manufactures de pneus. Délaissant les introspections ressassantes du sujet, il a devancé les médiologues en célébrant les objets.
Quoi de mieux pour éclairer l’intelligence que de la saisir à l’œuvre ? 1
1. Dagognet a dirigé deux Cahiers de Médiologie (le n°2 « Qu’est-ce qu’une route ? », en 1996 et le n°9 « Less is more », en 2000) et rédigé un texte important, « Incorporer » pour le n°6 « Pourquoi des médiologues ? », en 1998. C’est lui qui en 1999, a proposé une approche philosophique du chantier médiologique dans son article « Régis Debray, médiologue » (Faut-il brûler Régis Debray ?, Champ Vallon).